La Tempête de Caliban de Tim Crouch
Texte : Tim Crouch
Mise en scène, scénographie, lumières : Joëlle Noguès
Dramaturgie : Hélène Beauchamp
Traduction : Compagnie Pupella-Noguès
Avec : Antoine Raffalli / Léo Smith en alternance et Giorgio Pupella
Son : Nicolas Carrière / Arthur Daygue en alternance
Construction scéno et objets marionnettes : Polina Borisova, Joëlle Noguès, Vincent Lahens, Bruno Vitti
Conseiller en magie : Davel Puente Hoces
Regard complice : Claire Dancoisne
Production : Odradek / Pupella-Noguès – LCMC Lieu Compagnie Missionné pour le Compagnonnage marionnette
Coproductions : Scène 55 de Mougins, Scène conventionnée / Théâtre Le Périscope de Nîmes, Scène conventionnée / Marionnettissimo, Tournefeuille / Odyssud Blagnac, Scène conventionnée / Espace Tonkin Villeurbanne. Avec l’aide de la Drac Occitanie, de la Région Occitanie, du Département de la Haute-Garonne. Remerciements : Théâtre de la Nouvelle Digue / Cie 111 Aurélien Bory.
Spectacle créé le 20 octobre 2023 au Théâtre Le Périscope de Nîmes
Monologue pour un acteur marionnettiste et un complice bruiteur
Ah, la liberté.
Tu passes toute ta vie
à te battre pour elle.
Et quand tu l’as, tu ne sais pas quoi en faire.
La belle liberté des
grands jours.
L’auteur britannique Tim Crouch ré-écrit la pièce La Tempête pour donner voix au personnage de Caliban, le monstre mal aimé, dépossédé des richesses de son île par l’arrivée de Prospero. La Tempête de Caliban est un spectacle ludique et atypique de théâtre d’objets et de bruitages. Un conte dessiné pas à pas, qui nous emmène vers l’empathie, vers l’humanité. Vraie magie ou fausse magie, instinct ou savoir, il y est question de frontières, du réel et de la fiction, de soi et de l’autre.
I, Caliban de Tim Crouch
La quête de la liberté traverse La Tempête de Shakespeare : Prospéro, ancien duc déchu de Milan, mettra toute la pièce à trouver le chemin pour quitter l’île, repartir à Milan et retrouver sa place. Ariel, esprit de l’air, après avoir été au service de Prospéro, gagne sa liberté après avoir collaboré aux différents plans de son maître ; seul Caliban, qui n’a pourtant de cesse de revendiquer sa liberté, reste sur l’île, abandonné, sans qu’on lui signifie sa liberté.
Cette ultime pièce de Shakespeare fascine par le mystère qui entoure l’île : ce n’est pas une île normale nous dit Caliban. Elle n’est pas normale parce que magique, un lieu fait d’illusions et de rêves, un monde de magicien et de sorcière mais qui ne sont là que pour mieux nous évoquer les réalités humaines.
Pour évoquer la tempête, les manigances de Prospéro, Tim Crouch utilise des ressors dramaturgiques du complot, il y a de l’épique, du jeu presque enfantin, on est emmené par ce personnage qui nous entraine dans ce récit irréel.
C’’est un monologue qui s’adresse au cœur des spectateurs, appelés directement à témoin de l’injustice subie par Caliban, des punitions qui lui sont infligées par Prospero, qui ne le considère pas un être à part entière.
Mise en scène
Dans une scénographie minimaliste d’une île posée dans un espace vide, comme flottante dans l’océan, Joëlle Noguès a cherché à mettre en jeu une approche sensible autour de la monstruosité. Caliban est un monstre comme nous pouvons l’être.
Caliban joue avec ses objets qui sortent tous du ventre de la table et interpelle directement le spectateur comme témoin de l’injustice qu’il a subie. Il n’y a pas à chercher à comprendre mais plutôt prendre avec soi tout ce qui peut nous importer dans ce voyage chargé d’humanité, d’empathie.
Un deuxième personnage habite ce spectacle, c’est l’île.
Parsemée de silences, où des sons du quotidien s’invitent, la partition sonore est le guide de la dramaturgie. Les mots s’entrelacent avec les bruitages en direct vers une écoute sensible, aiguisée. La magie est très présente dans la pièce de Shakespeare. Vraie magie ou fausse magie, instinct ou savoir, il y est question de frontières, du réel et de la fiction, de soi et de l’autre.
La Tempête de Caliban est un spectacle de théâtre d’objets, de magie interprété par deux comédiens, l’un est Caliban, l’autre est l’île. La simplicité de l’adresse constante au public avait besoin de cette simplicité de l’espace.
Presse
‘La Tempestad de Caliban’, de Tim Crouch, producción de Odradek Pupella-Noguès
Toni Rumbau, Titeresante, 2 février 2024
« Et c’est là qu’intervient le savoir-faire scénique de Joëlle Noguès, lorsqu’elle fait représenter les différents personnages évoqués par Caliban, dans son monologue, avec des marionnettes. Ces objets surgissent sur la scène, comme s’il s’agissait d’un jeu, un jeu très dramatique bien sûr, car Caliban connaît très bien le pouvoir de chacune d’elles. Une ressource qui permet de prendre de la distance, afin que la force écrasante du personnage, ainsi que la douleur et le ressentiment qu’il porte en lui ne submergent pas le spectateur. Un excellent travail d’approche de personnages historiques et littéraires issus de la réalité dramatique et contradictoire de l’Histoire, sans renoncer à la poésie et à l’envolée de l’imagination sensible si typiques du théâtre de marionnettes, traité dans ses dimensions les plus libres, ouvertes et visionnaires.
La complexité du personnage de Caliban a été magnifiquement captée par le texte de Crouch et surtout par la mise en scène de Joëlle Noguès, choisissant de mettre en valeur la réalité poétique, sensible et sainement rebelle propre à Caliban, et mettant ainsi en avant une partie du « humilié et offensé » » de l’Histoire, sans renoncer à la perception subtile et intelligente de ce qui se trouve à la surface et dans les profondeurs du texte de La Tempête.
Un excellent travail d’approche de personnages historiques et littéraires issus de la réalité dramatique et contradictoire de l’Histoire, sans renoncer à la poésie et à l’envolée de l’imagination sensible si typiques du théâtre de marionnettes traité dans ses dimensions les plus libres, ouvertes et visionnaires. »
« Tandis que la nouvelle traduction française, réalisée par la compagnie, favorise une relation féconde avec le public, une table à multiples compartiments, conçue par un magicien, sert tour à tour de tréteaux et de coulisses, tout en figurant l’île. L’inventivité visuelle apportée par l’acteur (…) à la fois marionnettiste et magicien, a pour pendant l’inventivité sonore de son complice bruiteur Giorgio Pupella qui, sous le regard du public, convoque une série d’objets hétéroclites et de matériaux incongrus. »
« Signée aussi Pupella-Noguès, la pièce de cette édition s’intitule La Tempête de Caliban, I, Caliban de son nom original, et soumet une version tout à fait originale, et émouvante, de la Tempête de Shakespeare. Sous la forme resserrée du monologue n’est retenu en effet qu’un point de vue : celui du « monstrueux » Caliban, personnage secondaire mais préféré du Britannique Tim Crouch, auteur de ce texte expérimental. Préféré aussi de la metteuse en scène Joëlle Noguès, « Caliban est un adolescent en révolte, qui est dans une revendication, une reconnaissance, qui ne demande qu’une seule chose : qu’on le voie pour ce qu’il est. C’est aussi un être de souffrance, il a perdu sa mère très jeune, il s’est construit, seul dans son île, son territoire. » Guidées tout le long du travail par la chercheuse Hélène Beauchamp familière de l’œuvre, Joëlle Noguès et la troupe ont pris en charge collectivement la traduction en français, puis le plateau s’est mis en place. Au cœur du dispositif scénique, une table – un peu magique – a servi à modéliser l’île, l’espace mental de Caliban et l’endroit du jeu, dans lequel Giorgio Pupella s’est glissé comme un Puck dans les bois. « Il est la voix de l’île, il joue des percussions et bruite en direct, poursuit Joëlle. Caliban, lui, est interprété par un comédien, soit Léo Smith soit Antoine Raffalli, en alternance. Le jeu se nourrit de leur complicité avec Giorgio, en écho à celle de Caliban avec son île. » »