Je ne sais pas pourquoi mais parfois tu m’énerves

Mise en scène et scénographie : Joëlle Noguès
Traduction et dramaturgie : Giorgio Pupella d’après Carmelo Bene
Avec : Sophie Delarue, Françoise Ostermann, Jean-Marc Thuillier
Accompagnement à l’écriture du son : Thierry Besche (GMEA, Centre national de création musicale)
Marionnettes et objets : Joëlle Noguès assistée de Delphine Bailleul
Marionnettes mécaniques : Basile Robert
Création lumières : Myriam Bertol
Régie plateau : Loïc Wauquier-Dusart
Régie son : Nicolas Carrière
Construction décors : Ateliers du Théâtre National de Toulouse, sous la direction de Claude Gaillard

Production Compagnie Pupella-Noguès
Coproductions, aides : Théâtre de la Digue, Mairie de Toulouse, Conseil Général Haute-Garonne, l’ADAMI, le CNC-DICREAM
Avec le soutien du Théâtre Garonne, Toulouse (résidence de création), du TNT- Théâtre National de Toulouse, de Circuits/Scène conventionnée Auch
Création au Théâtre Garonne, Toulouse, le 4 novembre 2009

Note d’intention

Ici, Pinocchio n’est pas « une marionnette extraordinaire capable de danser, de tirer l’épée et de faire des sauts périlleux..  », il est un peu vieux, ironique et fatigué de se faire abuser par toute une galerie de personnages le harcelant sans cesse pour qu’il obéisse et se taise. Pour se libérer, il lui faut quitter les masques, quitter la fiction, l’arène théâtrale et atteindre la dimension du mythe.

Dans le conte original, Pinocchio pénétrant dans le Grand Théâtre de Mangefeu est reconnu par les marionnettes comme l’une d’entre elles. Pinocchio est né dans le Théâtre pour vivre dans le Théâtre, il appartient à la Scène, son destin s’y accomplit. Le Théâtre, lieu de fiction, lieu du mensonge. Pinocchio est un masque théâtral aux origines troubles, probablement démoniaques (comme Arlequin, avec sa bosse rouge sur le front), arrivé avec violence dans le monde des hommes, masque insolent, héros transversal, picaro (misérable) apatride…

Dès son apparition, il désobéit et au lieu d’aller à l’école, rejoint le Théâtre. Dans ce huis clos, les travestissements sont inépuisables: le Chat et le Renard, bandits mafieux, se déguisent en mendiants, la Fée se transforme en sœur, mère, petite vieille, petite chèvre ; Pinocchio devient poisson, chien, âne et la maison qui le voit naître regorge d’illusions : la casserole qui bout sur le feu est fausse, comme une toile peinte sur le mur…
Théâtre également la maison de la fée, avec la parodie des animaux qui jouent aux docteurs et celle des faux lapins croque-morts… Le Cirque où l’âne/pantin est obligé de se produire est bien sûr lieu scénique, avec son bonimenteur, sa musique de fifres, ses rires et ses chutes…

Pinnochio, héros tragique

En naissant, nous entrons dans la langue qui est notre demeure, nation première. Vivre c’est être obligé d’habiter la langue. On va devoir jouer ce jeu d’être pour les autres et pour soi (imaginé et symbolisé), accepter d’être ce bonhomme que nous renvoient le miroir et l’autre qui nous voit. À partir d’un point d’énigme, on  doit se fabriquer un père, un créateur, un Gepetto, ainsi qu’une mère et tout l’étayage de ceux et celles qui vont participer, tout au long de notre vie à nous fabriquer. On est sujet mais forcément objet de l’autre (d’amour, de considérations diverses…) Pinocchio doit se soumettre à cette loi humaine. Tu dois devenir, te castrer d’une toute puissance, être initié pour entrer dans le cercle des humains. Grandir est une épreuve, un parcours pas facile fait de joies et de renoncements. On doit s’inventer, inventer sa vie, se construire. Tiraillé entre deux principes : celui de plaisir et celui de réalité. Le sujet devra savoir composer avec ces deux forces souvent contradictoires. C’est un travail de régulation des forces, instables et dynamiques, qui nous pousse, et nous érige en personnage. On doit devenir quelqu’un.

Anne-mARIE sANCHEZ, Extrait de  « De la figure de Pinocchio »